Avec l’arrivée en France de Google Home (août 2017) et d’Amazon Echo (juin 2018), la nouvelle révolution du « parler » pour les marques est en train de décoller. Les requêtes faites à l’oral continuent de croître et de nouvelles méthodes de référencement apparaissent afin d’être connues par les assistants vocaux. Plus encore, la voix se fait une place parmi les canaux d’acquisition marketing et devient un nouvel élément de la stratégie omnicanal. Alors, comment les marques peuvent utiliser les smart speakers pour acquérir de nouveaux clients et renforcer l’expérience utilisateur ?
Un marché en très forte croissance
Apple fut le premier à lancer en 2011 son assistant vocal intelligent baptisé Siri, afin de prolonger l’expérience de l’utilisateur avec son smartphone comme l’explique le communiqué de presse du lancement d’iOS 5. La marque à la pomme est suivie de près par les GAFAM, qui se mettent également à développer des assistants personnels sur smartphones et ordinateurs, là où la technologie physique (haut-parleur et micro) existe déjà. En parallèle, le concept de smart home se développe, et Amazon lance en novembre 2014 une enceinte connectée (de l’anglais smart speaker) permettant de lire une musique ou encore de commander des produits sur son site, grâce à la voix. L’assistant virtuel embarqué (nommé Alexa) connaît un succès inattendu.
C’est avec l’évolution de l’IoT et du Speech recognition (permettant une marge d’erreur de la reconnaissance vocale plus faible) qu’Amazon décide d’ouvrir Alexa à des services tiers, comme l’inclusion de diverses applications (commander un Uber, écouter de la musique sur Deezer…) ou le contrôle de la smart home (éclairage, thermostat, volets…). Les autres géants du numérique lancent également leur outil de reconnaissance vocale : Samsung avec Bixby, Microsoft avec Cortana, Apple avec Siri et Google (qui fait du marché de la voix une de ses priorité) avec Google Assistant, démultipliant les opportunités de communication avec les marques.
Les achats via la voix devraient atteindre 40 milliards de dollars d’ici l’année 2022
Étude d’OC&C Consultants, février 2018.
À l’heure actuelle, le smartphone est toujours le terminal le plus utilisé pour l’assistance vocale avec plus de 44% d’utilisation, suivi par l’ordinateur et la tablette à 20% chacun, puis les diverses enceintes connectées à 13%, selon une étude Mindshare de mars 2018. Ces dernières sont en phase de se développer davantage en 2019 suite à une année marquée par une intégration beaucoup plus forte des smart speakers dans les habitations, notamment avec la sortie d’Amazon Echo et de l’HomePod d’Apple. Ou encore plus récemment avec l’annonce de la nouvelle Freebox Delta qui intègre nativement Alexa. Ces déploiements sont également appuyés par un investissement publicitaire important pour les assistants vocaux, comme la récente campagne « Ok Google » ou encore le spot TV pour Amazon Echo.
Ce phénomène est aussi accentué par une modification comportementale, avec un développement de recherches plus personnelles et plus spécifiques, permettant d’obtenir davantage d’informations sur la recherche comme « chaussures confortables pour voyager » et non un simple « chaussures »par exemple. Ce type de requêtes a grimpé de plus de 120% au cours de ces 2 dernières années, d’après Lisa Cohen Gevelber, VP Marketing Google, qui y consacre un article lié au search. Ces phénomènes expliquent ainsi pourquoi les ventes explosent. Une étude ComScore d’avril 2018 confirme cette percée, avec 12 points de progression de juin 2017 à février 2018 pour les foyers US possédant une enceinte connectée. Ce nouveau point de contact sera présent, selon Gartner, chez 75% des foyers américains d’ici le Q4 2020, et la France suit vraisemblablement cette évolution.
En France, 60% des utilisateurs d’enceintes connectées les utilisent souvent et 19% occasionnellement
Étude Search Foresight, août 2018.
Il est par ailleurs intéressant de noter que les foyers possédant des smart speakers les utilisent vraiment, ce qui signifie que les consommateurs y trouvent un réel intérêt à leur utilisation. Nous passons ainsi progressivement du gadget acheté par des early adopters à un outil utilisé par une plus grande majorité, qui commence à s’adapter à cet usage.
De nombreuses opportunités pour les marques
Ce nouveau canal d’interaction a de nombreux avantages, tant pour les marques que pour les consommateurs. Ce réflexe, qui se généralise, permet un prolongement de l’expérience omnicanal, et représente donc une opportunité marketing pour les annonceurs. Actuellement, il est possible pour les marques de développer leurs propres applications dédiées, et donc de les intégrer soit à l’écosystème vocal d’Amazon, avec les Skills d’Alexa, soit à celui de Google avec les Voice Action.
Un des premiers intérêts est la personnalisation très poussée des réponses, permis par des requêtes orales plus complètes que celles écrites et par une meilleure connaissance de l’utilisateur. Walmart l’a bien compris, il prend par exemple en compte les achats précédents des clients lors de ses recommandations vocales (qu’ils aient été effectués en magasin physique comme en ligne), pour proposer d’ajouter automatiquement les articles qu’un client a l’habitude d’acheter. Coté français, c’est Sephora qui fut la première grande marque à se développer sur Google Home. Son assistant permet, entre autres, de planifier un rendez-vous de mise en beauté dans un des magasin de l’enseigne, et en fonction de l’agenda personnel.
C’est aussi une façon de prolonger l’expérience client, comme le fait Patrón, marque de spiritueux spécialisé dans la tequila, qui cherche à engager ses clients en dehors des bars. Elle a pour cela crée un skill « Patrón » sur Amazon Echo, qui permet à ses clients d’obtenir des recettes de cocktails, des suggestions ou des conseils.
Le skill a accumulé 36 000 utilisateurs, pour 6 000 à 7 000 ouvertures de sessions par mois
D’après l’entreprise, depuis Digiday.
Un skill de la sorte permet deux choses : premièrement d’avoir une audience qui va mieux se souvenir du nom de la marque, notamment en associant de manière plus ou moins consciente le cocktail avec Patrón. Secondement, de permettre au consommateur de commander un alcool lorsque celui-ci manque par exemple à la réalisation d’une recette, et ce en temps réel.
Il est également possible de mettre en place des solutions de Voice Commerce, pour permettre à l’utilisateur d’acheter directement depuis l’assistant, comme l’a fait Monoprix avec l’agence Artefact. En demandant à son assistant Google de « discuter avec Monoprix » on peut commencer à dicter sa liste par oral, sans avoir besoin de préciser sa marque de yaourts préférés, l’algorithme les connaissant grâce au numéro de carte de fidélité (contenant tout l’historique d’achat). L’application peut aussi effectuer des recommandations pour des idées d’articles manquants, basées sur l’historique du client. Leclerc devrait proposer sur son application Google (au premier trimestre 2019) de constituer un panier Drive permettant la livraison à domicile, et donc de prolonger l’action d’ajout à un mémo jusqu’à l’acte d’achat.
Enfin, il est également possible d’acheter de l’espace publicitaire sous forme de flash, qui peut être joué lors de l’écoute de la météo, de l’actualité ou de certains podcasts. Les messages durent de 5 à 15 secondes et sont remplacés au bout de plusieurs écoutes consécutives. Cela permet de diffuser de la publicité ciblée à un utilisateur attentif. C’est ce qu’a fait Renault en parrainant le Replay RTL. Le constructeur est présent via un billboard audio au début des programmes pour promouvoir Zoé, sa nouvelle voiture électrique.
C’est donc un véritable canal d’acquisition et d’achat qui est né. La voix a de nombreux avantages et permet de développer des stratégies innovantes, sans compter les nombreuses évolutions à venir sur ce marché en croissance. Elle permet entre autres de développer l’expérience client, d’amener le consommateur sur de nouveaux terrains, de le connaître davantage, de lui parler en temps réel tout en profitant de l’effet First Mover Advantage. Il paraît cependant encore difficile pour certains retailers, comme ceux dans la mode par exemple, d’utiliser la voix pour du commerce. Les clients voudront par exemple voir à quoi ressemble une veste en jean et non obtenir une description de celle-ci . Alors, l’avenir est-il à la combinaison écran-enceintes connectées comme les pour certains secteurs ? Quoi qu’il en soit, ce nouveau canal devient un véritable asset pour la majorité des marques, et le sera d’autant plus pour les années à venir.
Borja Sixto
21 décembre 2018Faut aussi intégrer les CallBots… cela me semble aujourd’hui plus stratégique, mais peut être mois « marketing »…
Eric Buhagiar
20 décembre 2018Merci pour cette bonne synthèse et ces conclusions que je partage pleinement. Nous sommes au début d’une nouvelle ère d’interaction client à intégrer dans le parcours client que ce soit en activités marketing ou service client.
Christophe Noel
19 décembre 2018Mais pour le moment, c’est surtout pour la recherche (versus l’achat) que les assistants vocaux sont utilisés. Dans un article publié le 6 août 2018 (https://bit.ly/2GufFpW) émanant de deux personnes ayant eu accès aux études internes d’Amazon sur le sujet, le média d’investigation The Information révèle qu’Amazon a vendu près de 50 millions d’appareils compatibles avec Alexa (son assistant vocal), mais que seuls 2% des utilisateurs l’ont utilisé pour acheter quelque chose en 2018. Et parmi les personnes ayant acheté quelque chose via Alexa, près de 90% n’auraient pas réessayé ! Maigre consolation, environ 20% des clients auraient utilisé Alexa pour suivre l’expédition d’une commande déjà effectuée par un autre biais ou pour se renseigner sur les promotions du moment. Concernant la France plus particulièrement, l’usage de ces assistants virtuels est encore loin d’être entré dans les mœurs, avec un taux d’équipement avoisinant 1%, d’après le baromètre MyMedia (octobre dernier) ; ou 5% selon Médiamétrie un mois après … Enfin, les tests en cours montrent que la voix atteint vite ses limites dans les usages car l’écran est un élément rassurant pour notamment finaliser une démarche initiée à la voix.
Jerome Becker
19 décembre 2018Bonjour Christophe Noel, effectivement la majorité de l’utilisation est actuellement pour de la recherche sur Internet, mais ce n’est en soit pas très différent des requêtes écrites. Pour la France en revanche on a atteint 1,7M de français au mois de novembre 2018 (https://www.europe1.fr/technologies/plus-de-17-million-de-francais-utilisent-des-enceintes-connectees-selon-une-etude-3824180) selon Mediametrie. Soit plus de 2,5%, et non 1%. En revanche je vous rejoins sur le fait que le Voice Commerce est peu présent (justifié par le faible nombre de skills présents prévu à cet effet ? Ou la peur de mal effectué une commande via la voix ?). Dans les deux cas, le sans écran à ses limites, comme pour l’achat de vêtements et c’est ce que je souligne dans ma conclusion, à quand l’union des deux ?
Sabrina Delale
20 décembre 2018L’union des 2 arrive (est déjà là aux US) avec les smart displays 😉
Sophie Guigner
19 décembre 2018très bon article. As-tu pu échanger avec Sabrina Delale, alumni DMB, spécialiste de la voix ?
Jerome Becker
19 décembre 2018Merci Sophie Guignier, j’ai effectivement pu échanger avec Sabrina que j’ai connu l’an dernier en M1 🙂
Olivier Bertin
17 décembre 2018Bravo pour ce billet très intéressant Jerome Becker. Les marques vont devoir relever d’énormes défis pour continuer à exister face à des consommateurs qui risquent, avec les assistants vocaux, de parler de plus en plus de produits et de moins en moins s de marques. C’est Amazon qui va tirer le plus « les marrons du feu »
Jerome Becker
17 décembre 2018Merci bcp Olivier BERTIN, effectivement le nom des produits prenant l’ascendant sur le nom des marques est un réel enjeux, auxquels ces dernières doivent répondre. Une des solutions est l’optimisation de leur SEO permettant de se référençer sur la position 0 des moteurs de recherche pour un produit donné
Christophe Noel
19 décembre 2018Oui. Raison pour laquelle il n’est pas obligatoire que ce soit Amazon qui « tirer le plus ses marrons du feu ». Par exemple dans mon business que sont les objets connectés, les études (gfk en tête de file) montrent que le distributeur qui le premier va diffuser les informations relatives à leur utilité et à leur usage sous une forme étudiée pour occuper la position zéro, augmente considérablement ses chances d’obtenir une audience à large spectre (de 9 à 99 ans). Devenant ainsi LA référence en la matière sur les moteurs de recherches. En clair et sans décodeur : les places sont à prendre !