Pendant des millénaires, l’augmentation de la population humaine a été lente… mais depuis plusieurs décennies ce rythme s’accélère très fortement. Si l’on compare à 1960, nous étions 3 milliards. L’explosion démographique qui a actuellement lieu est en phase de s’accentuer encore dans les années à venir.
En 2050, la population mondiale est estimée à 9,7 milliards d’être humains.
(Nations Unis, 2015)
Ainsi en France comme ailleurs, le nombre d’habitants explose. Et pour nourrir autant de personne, il devient indispensable de produire plus, beaucoup plus. La consommation d’eau et les besoins en nourriture augmentant de façon corrélé à la croissance de la population… et à cette vitesse, des cas de crises alimentaires surviendrons.
Les superficies agricoles ont atteint un pic
La solution pourrait être d’augmenter le nombre de terres agricoles. Mais cette surface n’est pas infinie, et on ne peut pas agrandir la superficie des champs dû à un développement urbain qui explose, une augmentation du nombre de zones protégées, et des prix de la terre exploitables qui augmentent.
Si on regarde les données de la Banque mondiale, on s’aperçoit d’ailleurs que depuis 25 ans, la surface agricole n’a tout simplement pas bougé, elle stagne. Pire, en France, le SPP (service statistiques) du Ministère de l’Agriculture, montre que cette surface agricole a baissé de 16% en 65 ans.
Le nombre d’exploitants agricole diminue
Et si l’on regarde le rapport de l’Agreste, on voit bien que le nombre de petites exploitations est en chute libre, les exploitations de taille intermédiaire sont beaucoup moins nombreuses, quant aux grandes exploitations, elles sont en très légère hausse.
50% c’est le nombre d’exploitations agricoles françaises qui ont disparu en 25 ans
(Agreste, 2015)
Comme je le mentionnais, produire davantage pour une même surface, c’est dur et ça coûte cher, d’autant plus pour les plus petits. Plusieurs raisons pour l’expliquer. Les enfants ne reprennent plus la ferme familiale, la rentabilité de l’exploitation ne suffit plus, des investissements trop importants et des regroupements d’exploitations voient le jour pour mutualiser les coûts.
Nous sommes donc dans un contexte où il faut être plus rentable, avec moins de terre, et avec moins de monde. Ce phénomène n’est pas nouveau, mais il s’accentue très fortement ces dernières années. Si l’on regarde l’histoire, il a depuis toujours fallu produire plus, et pour y parvenir, l’Homme a inventé des nouvelles techniques. C’est pour cela que la R&D est si liée au domaine de l’Agriculture.
Mais comment améliorer le rendement ?
Si l’on prend les révolutions agricoles, on remarque que le développement de nouvelles techniques a permis de grandes avancées. Le XXème siècle a ainsi été vu marqué par de profondes nouveautés, révolutionnant la production agricole. La première fut celle de l’invention des pesticides et insecticides.
Le développement des pesticides
C’est dans les années 50, que les premiers pesticides se sont répandus, avec l’arrivée notoire du DDD et du DDT. Même s’ils ont été synthétisés en 1874, ils n’avaient pas leur utilité en tant qu’insecticide. Il a fallu attendre 70 ans avant d’être utilisé pour l’agriculture, les rendant quasiment indispensables à la plupart des pratiques agricoles (maîtrise des ressources alimentaires) et à l’amélioration de la santé publique (la lutte contre des insectes qui propagent des maladies comme les moustiques notamment).
Ces produits chimiques sont utilisés pour protéger les cultures et les récoltes des bio-agresseurs nuisibles, par exemple, des insectes (insecticides), mauvaises herbes (herbicides), moisissures (fongicides). Car pour obtenir une production suffisante et de bonne qualité, l’agriculteur doit prendre en compte l’existence de ces nuisibles.

Ainsi, les pertes en production ont considérablement diminué, et la rentabilité a augmenté. Mais les pesticides sont de plus en plus controversés. Les études ne sont pas arrivés tout de suite, et l’on se rend compte que leurs effets sont vraiment mauvais pour l’environnement, tant par la pollution de l’eau que par la destruction de la chaîne alimentaire. Elle provoque également des soucis au niveau de la santé comme l’infertilité masculine ou participe à développer des cancers. Ces deux raisons déjà très importantes et contraignantes, de par les investissements publics réduit, les lobbys écologique et la pression publique. Mais il y a également une raison qui est la diminution de l’efficacité au cours du temps ; des phénomènes de résistance chez les insectes. Ainsi que l’évolution de la loi avec une directive de 1993, qui conditionne les substances à la satisfaction de critères de toxicité sanitaire et environnementale en plus d’un nombre de substances utilisables réduit en 2012.
Les OGMs sont alors apparus
La R&D a permis de développer une nouvelle méthode pour accroître la production : les Organismes Génétiquement Modifiés. Arrivés il y a environ 40 ans, avec la première bactérie transformée en 1973 et le premier végétal transgénique en 1983. La méthode consiste à changer les caractéristiques génétiques par ajout, suppression ou remplacement d’au moins un gène.

Les OGM ont été développé par les firmes pour plusieurs raisons : améliorer la quantité de produits agricoles alimentaires et autres et diminuer la quantité de pesticides utilisés. Certains même pour améliorer certaines qualités nutritives des plantes (cas du riz doré génétiquement modifié pour être plus riche en carotène). Aujourd’hui en France, on a environ 10% de la production qui est issu d’OGM.
Néanmoins les OGM sont beaucoup critiqués. D’un point de vue environnemental, les OGM participent à l’appauvrissement de la biodiversité et sont le reflet d’une agriculture industrielle. Mais aussi parce que les OGM permettent aux plantes de résister davantage aux pesticides, certains agriculture vont alors utiliser davantage d’herbicides (le Roundup composé de glyphosate fonctionne de paire avec les OGM, et sera interdit en France d’ici 3 ans). Et enfin, par ce que l’on impose ces organismes sur la planète sans connaître ses conséquences sur le moyen et long terme, c’est un processus anti-scientifique et antidémocratique.
On remarque que son utilisation se stabilise néanmoins dans le monde, même si elle croit toujours aux Etats Unis et surtout, au Brésil, il y a donc des pays ou son utilisation croît encore.
Le digital arrive à point nommé
C’est dans cette période tendue que le digital est en train d’exploser, comme dans beaucoup d’autres d’industries, qu’il transforme. Ses nombreux avantages vont permettre de trouver des solutions pouvant palier à d’innombrables problèmes. La robotique et le digital vont aussi pouvoir permettre d’assister l’agriculteur pour réduire la pénibilité, collecter les données pour connaître l’état de la production en temps réel et produire mieux en intervenant au bon endroit au bon moment. Il va donc permettre de considérablement augmenter la rentabilité au mètre carré des surfaces agricoles, sans dénaturer l’écosystème.
Un écosystème propice à l’innovation
Et si l’on regarde les chiffres on s’aperçoit que les investissements sont là. d’une part au niveau humain. Le nombre d’ingénieurs formés en France explose. Environ 40 000 chaque année.
Au total, la population des ingénieurs est estimée à 1.06 millions fin 2017 et croît de 3 à 4% par an
(29e enquête annuelle emploi de la fédération Ingénieurs et scientifiques de France, IESF)
On note également l’arrivée depuis quelques année des Data Scientist, et des spécialisations digitales comme à Montpellier Supagro qui propose aux étudiants un master intitulé « Data science pour l’agronomie et l’agroalimentaire ».
Des investissements financiers en croissance
Les dépenses en R&D sont importantes dans les pays du G20, et la France ne fait pas exception.
2,3 milliards d’€ dépense R&D en France pour 2015
(Direction générale de la recherche et de l’innovation, 2016)
À noter qu’en France la dépense secteur privé/public est partagé à 50%. Et ces dépenses progressent, pas que dans l’hexagone mais aussi dans le monde, et encore plus fortement depuis 2008. Dans le monde, c’est plus de 100 milliards qui sont investi chaque années. Et une partie de ces investissements va directement dans la technologie digital, représentée ici par le cloud, les IoT et les software.
Signal fort de cette compréhension du digital, les gros acteurs traditionnels comme Monsanto investissent en masse. La firme à déboursé 930M$ pour racheter Climate Corporation récemment. Cette entreprise de San Francisco était initialement spécialisée dans la vente d’assurances des récoltes aux agriculteurs, avec des tarifs indexés sur les données météorologiques les plus détaillées que l’on puisse trouver.
Les startups de l’AgriTech ont levé plus de 800M€ ces 5 dernières années
(CB Insight, 2017)
Coté startups, le vent pousse fort aussi avec ce chiffre énorme et 500M€ dédié à l’IA et la data notamment pour la Smart Farming.
Les GAFAM loin de louper le coche
Les GAFAM ont aussi bien compris que l’Agriculture était en train de se transformer. Google a par exemple piloté la levée de fonds de 15 millions de dollars d’une startup agricole du nom de Farmers Business Network depuis sont fonds spécial Google Ventures. Son but : fournir des insights aux agriculteurs en fonction de leur data, et se positionne donc dans le conseil.
Cette transformation est regardée de très près par des géants du web comme Amazon ou encore le Chinois Alibaba, qui eux investissent davantage la mise en relation entre producteurs et consommateurs, voyant dans cette mutation des modes de consommation une opportunité majeure de profit.
Microsoft a lancé il y a 5 ans une initiative de 50M$ appelé AI For Earth, avec pour but, entre autres, d’utiliser leur expertise dans le cloud, l’IoT et l’AI, pour résoudre des problèmes environnementaux et d’agriculture. Microsoft remporte d’ailleurs la compétition Greenhouse, qui s’est déroulée du 27 août au 7 décembre dernier et bat d’autres acteurs comme Tencent ou Intel (compétition visant à faire croître des concombres grâce aux technologies). Tencent a d’ailleurs investit 11M€ dans Phytech, startup du nom de l’Internet des Objets permettant de monitorer les plantes.
Annonce claire de Microsoft, qui s’affirme également très proche de l’Agriculture et n’hésite pas le montrer à travers des spots publicitaires TV et display.
On a donc une corrélation entre tous ces éléments, nombre d‘ingénieurs formé en forte augmentation, des budgets existant permettant de vraiment investir en R&D, un besoin global fort et des innovations comme les pesticides ou les OGM qui disparaissent. Au même moment le digital se veut de plus en fort et permet de résoudre une grande partie des problèmes de production agricole, c’est pourquoi le digital est la 3ème révolution agricole. Alors, comment les recherches évoluent avec le digital et la robotisation pour permettre de pallier à ces problématiques de rendement ?
De nombreuses technologies pour développer la Smart Farming
Développement de l’IoT et de la 5G
En outre, la standardisation de l’électronique et la chute des prix des composants ont rendu le matériel beaucoup plus abordable. Le nombre de projets, startups et inventions s’est développé et accéléré. D’un autre les technologies de connectivités comme le bluetooth, le wifi et la 4G ont permis de connecter davantage les appareils. Et tout cela va, avec la 5G qui arrive l’année prochaine et qui va permettre une transmission de données en temps réel.
D’une part les objets connectés sont en train de se démultiplier, et le secteur agricole fait partie de ceux qui vont tirer cela vers le haut. Les capteurs et les drones collectent des données sur la météo, les parcelles, les animaux et globalement toute la vie de la ferme. Actuellement, on peut prendre le pouls de n’importe quelle activité de l’exploitation agricole. Mais aussi mieux contrôler les processus internes, pour but de réduire les risques de production. La capacité de prévoir le rendement de la production permet de planifier une meilleure gestion des stocks, de la distribution des produits et s’assurer qu’il n’y est pas d’invendu.
Plus de data, et un cloud performant pour le Smart Farming
Des millions de données produites chaque jour sur les exploitations agricoles avec la multiplication des objets connectés sont aujourd’hui déjà partiellement captées par les différents acteurs du monde rural aussi variés que les centres de gestion, les chambres d’agriculture, les coopératives, les tractoristes, les agrochimistes, les semenciers… Malgré cette quantité incroyable d’informations, cette data va vraiment exploser dans les années à venir avec la forte croissance du nombre d’objets connectés et le déploiement de la 5G.
Un des principaux objectif est de diminuer les risques liés à la production en contrôlant davantage les processus, grâce à l’anticipation. Mieux comprendre son environnement et en tirer des insights. C’est la cas de la prévision météo, paramètre crucial pour beaucoup d’agriculteurs. Dans ce champ, l’institut de recherche Arvalis compare les différentes offres de stations météo connectées : température de l’air, humidité, précipitations, force et direction du vent, etc. L’avènement des réseaux bas débit permet aujourd’hui, de transférer facilement les données depuis la parcelle via le cloud.
Une IA en plein boom pour traiter ces données
Les branches de l’intelligence artificielle forment de nombreuses ramifications, parmi lesquelles on trouve le machine learning, ou apprentissage automatique. Ce champ d’étude de l’IA regroupe les méthodes qui permettent à un ordinateur d’apprendre seul. Il est ainsi possible d’effectuer des opérations plus ou moins complexes : classer, trier et regrouper des données, faire des prédictions… En fait, avec le machine learning, il est possible de traiter des volumes de données colossaux, et de réaliser des tâches qui, autrement, seraient extrêmement chronophages. Il est par exemple possible pour une machine de comprendre de quelle plante il s’agit à partir d’une photo, dans quel état elle est, si un animal est jeune, souffrant, par rapport à des photos ou des capteurs.
L’IA permet non seulement d’améliorer la production des cultures existantes, mais aussi d’envisager de nouvelles cultures hydroponiques (culture hors-sol) pour des plantes qui ne poussaient jusqu’à présent que dans la terre. Cela ouvre un nouveau champ potentiel pour les légumes verts feuillus, fruits et herbes. En fait, grâce à l’apport de l’IA dans l’hydroponie il est même possible d’envisager de nouveaux lieux pour ces cultures, comme par exemple des fermes dans des immeubles résidentiels Cela signifie des aliments frais, disponibles localement, moins chers et plus sains pour des millions de personnes.
L’IA va donc de paire avec la data, en permettant de traiter toutes ces données, pour analyser et prédire notamment. En Inde par exemple, elle va permettre d’anticiper les moussons, et donc de diminuer drastiquement les pertes.
Une révolution de la robotique pour une Agriculture 4.0
Mais on a également la partie robotisation, avec les drones et des machines toujours plus évolués. La société ecoRobotix a été fondée en 2011 par deux ingénieurs suisses, dont l’un a grandi dans une exploitation agricole. Son robot, aux airs de table de ping-pong, se déplace seul grâce à son GPS, sa caméra et ses capteurs, et distingue les mauvaises herbes des bonnes cultures.

Ses deux bras robotiques appliquent des micro-doses d’herbicide sur les adventices, permettant d’utiliser 20 fois moins de produit qu’une pulvérisation normale. Autonome, il fonctionne à l’énergie solaire. En ce qui concerne l’Asie, leurs terres n’étant plus en mesure de nourrir l’ensemble de sa population, le gouvernement a d’abord incité les entreprises à acheter des terres aux quatre coins du monde. Des machines européennes et américaines permettaient de produire, en quatre heures, le travail que 30 travailleurs auraient mis une vingtaine de jours à faire.
Ces technologies permettent d’une part un meilleur ajustement des quantités de produits chimiques – ce qui, dans le contexte chinois n’est pas du luxe puisque les paysans chinois utilisent trois fois plus de fertilisant que nécessaire, polluant fortement les sols jusqu’à avoir dangereusement contaminé 20% d’entre eux. Mais l’objectif est surtout de permettre de meilleurs rendements à moindre coût. Cette robotisation va ainsi permettre une amélioration du rendement grâce à une production automatisé, mais aussi d’effectuer un travail dans la durée.
Vous aurez donc compris que l’AgriTech apparaît ces dernières années comme incontournable et ce dans un contexte bien précis. L’émergence de ces nouvelles technologies couplé à croissance de la population en font un cocktail parfait pour révolutionner l’agriculture.